Essaie de me trouver, Winnipeg
Au volant, Charlie/Waldo nous emmène découvrir son terrain de jeu, Winnipeg. Il ressemble à n’importe quel jeune professionnel de retour d’une journée de travail. Sur le tableau de bord une poupée Jesus hoche perpétuellement la tête. Par-delà la vitre, le blanc-grisâtre de cette fin d’hiver a cédé face à quelques rayons fragiles. Un soleil providentiel brille par intermittence sur les prairies avant de rebondir sur l »argenté des flaques de neige fondue.
Il fait presque beau.
Pour éviter « les problèmes au boulot » Waldo (Charlie dans les éditions francophones des célèbres livres-jeux) préfère ne pas dévoiler sa véritable identité. Et si l’artiste de rue ne porte pas le chandail bicolore de la création de Martin Handford, ni son bonnet, il est comme lui présent au nez et à la barbe de la foule. Caché en plein jour.
Mais pourquoi donc choisir de détourner le personnage imaginaire de papier que les enfants se délectent à chercher des heures ?
L’étalement urbain de Winnipeg offre un vaste jardin où chercher ces œufs de Pâques : la cité siège sur une vaste portion de prairie. Les kilomètres de voies semblent croiser le fer jusqu’au tréfonds de cette ville de trains. Ici, les graffitis de toute l’Amérique du Nord défilent sur les rames dans un ballet permanent. Pour lui trouver une semblable en taille et en influence, il faudrait rouler une journée vers le sud et traverser une frontière. Je l’ai fait.

Les urbanistes disent parfois de la capitale du Manitoba qu’elle offre des perspectives économiques de villes de province, et des problèmes de mégalopoles. Winnipeg se dégentrifie, à rebours de la résurrection des centres-villes d’Amérique. Comme un écho canadien à la Rust Belt américaine, et à ses villes en putréfaction. Mais, ses vieux rêves continuent de tatouer les murs d’immeubles décrépits du centre-ville, ces « Ghost signs » délavés et omniprésents. Guy Maddin la surnommait la somnambule dans son très surréaliste « My Winnipeg ».
Saurez-vous trouver toutes les références de ces WaldoS?
Dans l’ordre: Waldo-terminator, Waldo-Sailor Moon, Waldo Sherlock-Holmes, Waldo Mario, Waldo Homer Simpsons en mascotte de lessive Japonaise, Waldo Orange Mécanique, Waldo Andy Warhol et le Velvet underground, Waldo aux mains d’argent (Edward aux mains d’argent) et Waldo Heisenberg (Breaking Bad)
Photos tirées du compte Instagramm de Waldo avec sa gracieuse autorisation. Tous droits reservés
Le réveil viendra pour Charlie/Waldo d’un voyage en Australie et d’une rencontre avec l’art de rue de celui qui ne connaissait guère que le tag des gangs du North-End. « C’était partout » raconte-t-il « mais à mon retour j’ai trouvé que cette culture-là manquait. Même les graffeurs* sont une poignée ici ».

Graffeurs et artistes de rue partagent une culture néo-urbaine, mais leurs finalités divergents pour Waldo, qui ne se reconnaît pas dans l’aspect « territorial » des graffeurs. Lui, il se voit plutôt dans une démarche ludique .
Waldo minimise son exposition à la rue et prépare en amont des œuvres qu’il pose avec précipitation – toujours sans témoins — avant de battre en retraite. Technique classique de guérilla dans une vendetta personnelle contre le gris-ocre de Winnipeg.